05 juin 2018
Nous avons clôturé notre chapitre « Myanmar« , et il est l’heure à présent de mettre un pied dans le prochain et dernier pays de notre itinéraire: l’Indonésie, le plus grand archipel au monde avec ses 14 000 îles !
Le Visa indonésien pour les ressortissants français ?
Pour les ressortissants français, la durée du séjour est de 30 jours sans visa, donc nous avions prévu à l’avance de séjourner exactement 30 jours dans ce beau pays et ainsi utiliser le temps à bon escient. Mais avec 14 000 îles, des destinations mythiques comme Bali, Jakarta, ou encore les centaines de spots de plongée sous-marine, nous ne savions pas par où commencer notre découverte de l’Indonésie.
Et on visite quoi pendant ces 30 jours ?
Bien évidemment – et comme d’habitude – nous ne pourrons pas tout faire !! Finalement, notre choix s’est porté sur l’île de Sulawesi, pour son côté authentique et sauvage, loin des sentiers battus et du tourisme de masse. Pour s’y rendre et visiter, il faut avoir du temps car les transports sont très longs. Alors autant profiter qu’on soit en tour du monde ! On n’aura peut-être pas souvent l’occasion d’avoir un mois de vacances plus tard… Nous commencerons ainsi notre périple par le sud de l’île, et plus particulièrement à Rantepao la capitale du Pays Toraja.
On se dit qu’on reviendra en Indonésie pour visiter les coins plus « touristiques » (et plus accessibles) comme Bali ou Jakarta une autre fois.
Sulawesi, ou « l’Île des Célèbes » en français
L’île de Sulawesi est située au nord de l’Indonésie. C’est la quatrième île en terme de superficie avec ses 189 000 km². Mais avec seulement 7% des indonésiens qui vivent là-bas et ses quatre parcs nationaux, Sulawesi s’annonce comme étant une perle sauvage !
Son nom signifierait « trident de fer », en raison de la forme caractéristique de l’île principale mais aussi pour ses nombreux gisements de fer.
Loin du tourisme de masse, il nous faudra être patients pour visiter Sulawesi et arpenter le territoire, car les connexions en transport sont rares, et les temps de voyage sont loooooooongs.
Notre trajet (fastidieux) pour rejoindre Sulawesi
En partant de Yangoun au Myanmar, nous avons dû prendre 3 vols et 1 bus !
- Yangoun (Myanmar) – Kuala Lumpur (Malaisie / escale) : nous avons mis le réveil à 04h30 pour sauter dans le vol de 08h30 qui durera trois heures
- Kuala Lumpur (Malaisie) / Jakarta (Indonésie – île de Java) : nous marquons une escale à Kuala Lumpur avant d’embarquer dans notre second vol qui atterrira à Jakarta 2h plus tard – nos montres indiquent 17h00 à ce moment-là. Nous ne visiterons pas Jakarta car nous sommes fatigués, et notre vol suivant est encore très matinal le lendemain. Nous décidons de nous échouer dans un hôtel situé à proximité immédiate de l’aéroport, mais nous mettrons tout de même 1h pour atteindre l’établissement avec notre tuk-tuk.
- Jakarta (Indonésie – île de Java) / Makassar (Indonésie – île de Sulawesi) : réveil matinal à 05h30 pour notre vol domestique prévu à 08h30 pour une durée de 2h. Ça y est, nous sommes sur l’île de Sulawesi ! Mais il nous faut encore un peu d’efforts et de patience pour arriver à destination…
- Makassar (Sulawesi) / Rantepao (Sulawesi) : Une fois arrivés à l’aéroport de Makassar vers 10h30, nous nous dirigeons vers la gare routière, à la recherche d’un bus qui nous mènera à Rantepeo, la première étape de notre découverte de l’Indonésie. Mais le prochain départ est prévu à 21h00 ! On se retrouve donc avec énormément de temps devant nous, alors on va se promener dans le centre commercial situé à côté de la gare routière. On flâne, on déjeune tranquillement en découvrant quelques plats typiques indonésiens, et finalement on décide de tuer le temps en allant au cinéma voir DeadPool 2 !
(l’idée d’aller au cinéma ne nous a jamais traversé l’esprit durant ce voyage et ça nous a rappelé un peu la vie qu’on avait laissé derrière nous à Paris avant de partir). Après le film, petit coup de stress : on se rend compte avec stupeur qu’il y avait une heure de décalage horaire entre Jakarta et Makassar !
Il est donc quasiment l’heure de sauter dans le bus, alors on se met rapidement en route vers la gare routière pour attraper notre bus juste à temps… Ça aurait été le comble de louper notre bus alors qu’on avait poireauté presque 10 heures ! Ce bus ne sera pas des plus rapides, car il mettra 9h pour parcourir 315 km…
Nous arrivons donc ENFIN à Rantepao, la capitale du Pays Toraja, après quasiment 4 jours de voyage !
Notre vidéo de Rantepao, la Capitale du Pays Toraja
Rantepao, la Capitale du Pays Toraja
Les Torajas sont un groupe ethnique minoritaire indonésien dont la population est estimée à environ 600 000 personnes.
Le Pays Toraja (ou Tana Toraja) est situé en plein cœur de la Sulawesi du Sud, et sa capitale est Rantepao : une petite ville de 50 000 habitants (tandis que Makassar est la capitale de la province). La région est connue pour ses jolis paysages, ses rizières en terrasse, ses habitations très atypiques et surtout pour les rites funéraires des locaux, uniques au monde ! Bien que le pays Toraja soit officiellement catholique (ce qui est déjà une exception en Indonésie, qui est le premier pays musulman au monde avec plus de 200 millions de fidèles), à Rantepao la religion traditionnelle animiste reste d’actualité, et les rituels qui suivent le précepte du « Aluk To Dolo » (La Voie des Ancêtres) sont fortement ancrés dans les us et coutumes.
Nous arrivons à Rantepao à 05h30 du matin, éreintés, sur les rotules. Mais malgré la fatigue, nous nous mettons immédiatement à la recherche d’un logement. Au bout de deux heures de déambulations avec nos gros sacs à dos, nous jetons notre dévolu sur un hôtel sympathique, mais qui n’a de la place que pour une nuit. Tant pis, on cherchera de nouveau le lendemain. Pour le moment, on souhaite surtout se reposer un peu…
On prend un rapide petit-déjeuner puis on se couche pour récupérer du voyage. Vers 14h00, nous ouvrons les yeux et décidons de partir explorer Rantepao. Mais au moment de préparer nos petits sacs à dos pour partir en exploration, nous voyons une petite punaise de lit gambader tranquillement sur la bretelle de l’un des sacs. BRANLE-BAS DE COMBAT !!! Illico presto, on défait toutes nos bagages et nous passons plusieurs heures à inspecter scrupuleusement nos affaires.
Finalement, nous ne trouvons pas d’autres traces de punaises de lit. Mais cela ne nous rassure pas pour autant… Ces sacrés bestioles jouent à cache-cache avec nous, on avait déjà passé au peigne fin nos sacs une semaine plus tôt à Bagan. Dans tous les cas, l’heure est bien avancée : il est déjà 17h30 lorsque nous quittons enfin notre chambre ! On a tout loupé… Du coup, nous dînerons au restaurant de l’hôtel qui propose un délicieux Pa’Piong Manuk, un plat traditionnel de Toraja à base de riz noir et de poulet cuit pendant plusieurs heures dans du bambou, avec de la noix de coco et de jeunes pousses de banane. Finalement, la journée n’est pas perdue !
Le lendemain matin, pas rassurée par cette mini-attaque de punaises, nous nous remettons en quête d’un nouvel hôtel et nous trouvons une chambre au Wisma Wonton. La météo se gâte, il pleut des trombes d’eau.
Nous flânons durant la matinée et pour le déjeuner, nous nous rendons au Rimiko, un petit restaurant à deux pas de notre hôtel. Claire commande une soupe qui s’avère être toute riquiqui (un fond d’eau dans un bol avec quelques légumes surgelés qui nagent) et William – toujours aussi curieux – tente des brochettes de buffle. Mais la viande est sacrément coriace ! Bon, cette aventure culinaire n’est pas une réussite… On ne reviendra pas !
L’après-midi, nous profitons d’une accalmie pour faire un tour au sommet de la colline qui surplombe Rantepao : le nom de la ville y est inscrit sur le flanc de la colline, en lettres blanches géantes, façon Hollywood.
La pluie étant revenue, nous nous abritons sous le porche au sommet et on en profite pour avancer le blog.
Sur le chemin du retour, nous faisons une étrange découverte : la mâchoire d’un gros mammifère qui traîne sur le sol !
Nous passons ensuite le reste de la journée à chercher un guide pour une excursion d’une journée le lendemain. Ce sera notre passe-droit pour une immersion dans les rites funéraires du peuple toraja !
Une fois trouvé, nous partons dîner au Café Aras qui propose une carte de spécialités du Pays Toraja : nous commandons un Pantollo’ Babi Pamarasan et un Pantollo’ Bale Pamarasan, du porc/poisson avec une sauce noire traditionnelle, servi avec du riz blanc. Et oui ! Bien que l’Indonésie soit le premier pays musulman au monde, ici au Pays Toraja la religion officielle n’est pas l’Islam et donc il est possible de trouver du porc au menu.
Notre excursion guidée d’une journée dans le Pays Toraja
Notre guide s’appelle Ferdi, un jeune indonésien pas très bavard mais avec un grand sourire sympathique et qui nous aura bien promené un peu partout ! La seule recommandation avant de commencer cette journée sera de s’habiller de couleur sombre, car nous prévoyons d’assister à une cérémonie funéraire.
Visite du village traditionnel de Palawa
Dans le village traditionnel de Palawa, nous découvrons les « Tongkonan » : ces maisons insolites traditionnelles sur pilotis, en forme de pirogue inversée (ou encore en forme de cornes de buffles). Chaque maison est accompagnée d’un ou plusieurs greniers à riz, de forme identique mais de dimension plus petite. Ces maisons sont très belles, surtout avec leurs toits sont végétalisés ! C’est que le climat est bien humide, propice au développement de la mousse sur le bois.
Les Tongkonan sont faites en bois, avec un toit en bambou. Leur façade est finement décorée par des motifs géométriques de couleur ocre, ainsi que des sculptures et gravures. Les couleurs utilisées sont le noir (symbolisant la mort), le rouge (le sang, la vie), le blanc (les os, la pureté) et le jaune (le pouvoir, la bénédiction des Dieux).
Le guide nous explique que le pilier central sur la façade avant de la maison principale arbore les cranes des buffles sacrifiés lors des précédentes cérémonies d’enterrement ayant eu lieu dans la famille. En résumé : plus il y a de crânes de buffles empilés, plus la famille est riche et respectée ! Le rang social et la richesse des habitants est ainsi clairement affichée sur la maison.
Les mâchoires des cochons sacrifiés peuvent également être mis en évidence sur la maison. Mais c’est plus rare, parce que leur animal fétiche, c’est le buffle !
Les buffles tiennent donc une place privilégiée dans la culture Torajan, et nous le découvrirons en détail bien assez vite…
L’expérience d’une Cérémonie Funéraire
Le Pays Toraja est connu pour ses rites funéraires atypiques, fortement ancrés dans le quotidien de ses habitants. En effet, lorsqu’une personne décède, elle ne « meurt » pas, mais elle est considérée comme étant « malade ». Son corps sera donc momifié et gardé dans la maison jusqu’à ce que son enterrement ait lieu, quelques jours, quelques mois… voire quelques années plus tard ! Le corps sera lavé, habillé, et maintenu en état de conservation jusqu’à ce que la famille ait collecté assez d’argent pour les funérailles. Le corps est conservé grâce à des injections régulières de formol, et le défunt continuera de « vivre » au sein du foyer : les vivants continuent de cuisiner des plats pour le « malade », de discuter avec lui, etc…[Un joli reportage de National Geographic en anglais ici. La version française synthétique avec uniquement des photos est trouvable ici]. Les funérailles durent plusieurs jours, avec des centaines d’invités, le plus souvent entre juin et août (la saison sèche). Un mini-village est créé pour l’occasion, avec des maisonnettes temporaires pour accueillir le flux d’invités qui peuvent venir d’assez loin. Cela coûte quelques milliards de roupies indonésiennes (une centaine de milliers d’euros). Si en France, nous avons l’habitude de travailler pour cotiser pour la retraite, dans le pays Toraja, les gens travaillent pour économiser de l’argent et se payer des funérailles dignes de ce nom ! Suivant la caste de la famille, les funérailles peuvent durer 1 semaine mais en règle générale, elles durent 3 jours de la manière suivante :
- Jour 1 : accueil, défilé et parade des invités, offrandes des cadeaux (dont des animaux vivants qui pourront être dédiés au sacrifice : buffles, cochons, moutons, etc.)
- Jour 2 : sacrifice des animaux offerts. Apparemment c’est assez gore, et on a lu des histoires de touristes qui s’évanouissaient devant le « spectacle ». Il y a des articles à ce sujet un peu partout sur Internet (comme ici) . Les buffles albinos aux yeux bleus sont très recherchés, et leurs prix grimpent à plusieurs dizaines de milliers d’euros (le prix d’une voiture Mercedes, nous dira le guide). Plus il y a de buffles offerts par les invités puis sacrifiés, plus cela montre que le défunt était apprécié et respecté. Certains riches sacrifient jusqu’à plusieurs dizaines de buffles ! Ces animaux sont importants car c’est sur leur dos que le défunt s’envole vers les portes du paradis. Et plus il y a de buffles pour l’accompagner, mieux c’est !
- Jour 3 : cérémonie de mise en tombeau. Après la joie des retrouvailles et des festivités les premiers jours, place à la tristesse et aux pleurs. Car c’est le jour où le défunt est « officiellement mort » et quitte réellement la famille.
En compagnie de notre guide Ferdi, nous nous rendons donc à une cérémonie funéraire, dans le village de Sa’dan. Le défunt serait une grand-mère décédée il y a cinq mois. Nous avons la « chance » d’être présents lors du premier jour : nous verrons donc le défilé des invités et les offrandes. Il est possible que quelques animaux soient abattus le premier jour, mais c’est essentiellement pour fournir les repas qui seront distribués aux invités.
Sur la route, nous nous arrêtons pour acheter des cadeaux à offrir à la famille du défunt (des paquets de cigarette, sur conseils de Ferdi).
Nous arrivons au village, dans un lieu provisoire, créé spécialement pour l’occasion quelques semaines plus tôt.Une dizaine de huttes et pavillons ont été montés pour la cérémonie, suffisamment grands pour accueillir chacun une vingtaine de personnes. Les huttes (une sorte de plateforme en bambou surmontée d’un toit) sont décorées différemment en fonction du statut des invités. Les huttes sont placées tout autour de la place centrale, afin d’avoir une belle vue sur la hutte principale, la plus grande et la plus finement décorée : celle où se trouve la famille du défunt.
Les invités avancent les uns derrière les autres honorer le défunt. Le défilé de personnes est sans fin.La famille proche du défunt organise les processions et accompagne chaque groupe d’invités jusqu’à la hutte principale où ils marquent l’arrêt pour un dernier hommage.
Nous passons à côté d’énormes cochons vivants, fermement saucissonnés sur des bambous en attendant de passer à la casserole. C’est qu’il y en a du monde à nourrir ! Les pauvres bêtes ne peuvent pas bouger et restent là, sous le soleil, en attendant l’heure du sacrifice. Leur cris sont déchirants et nous nous détournons rapidement du spectacle.
Nous suivons scrupuleusement les conseils de notre guide et partons nous asseoir sous la hutte qu’on nous a assignée pendant que Ferdi offre nos cadeaux à un membre de la famille.
Très vite, on nous amène de la nourriture ! Un thé, des chips, des fruits confits, un poisson grillé et du bamboo-rice.
Au centre de la place, il y a un immense cercle rouge de presque 4 mètres de diamètre qui entache la pelouse : nous devinons rapidement que des sacrifices d’animaux ont eu lieu plus tôt dans la matinée.
De nombreux touristes y vont bon train avec leurs appareils photo. Certains mitraillent littéralement la famille du défunt pendant de longues minutes. Il paraît que c’est normal, que ce n’est pas mal vu par les locaux. Pour notre part, on trouve ça un peu intrusif. Cela nous semble étrange de prendre des photos sans avoir engagé un semblant de discussion au préalable. On se contentera pour le moment de rester tranquillement assis, en prenant des photos de loin…
De jeunes enfants sont habillés en tenues traditionnelles pour la cérémonie : tout en rouge avec un bandeau qui encercle le front, et de fines touches de fil doré brodé. Les jeunes filles sont finement maquillées pour l’occasion.
Rapidement, de jeunes enfants s’approchent de nous dans la hutte.
Bien évidemment la barrière de la langue est présente mais nous arrivons à jouer ensemble et William passera un bon moment à s’amuser avec eux.
Si bien qu’à un moment, les enfants ne veulent plus nous quitter ! Ils joueront longtemps avec notre caméra GoPro (la carte mémoire est remplie de vidéos invraisemblables), ils s’installent sur nos genoux, grimpent sur nos épaules sous l’œil amusé de leurs parents.
Au final, cet enterrement n’est pas triste. On sent bien évidemment le silence respectueux des convives, mais l’ambiance n’est pas pesante et nous passons un moment très intéressant.
En allant aux toilettes, nous croisons des locaux qui s’affairent dans une petite case où était installée une kitchenette.Intrigués, nous passons un moment avec eux et ils nous invitent gentiment à boire un verre de vin de palme : une boisson alcoolisée à base de sève de palmier fermentée.
Et pour accompagner le verre, ils nous découpent un morceau de buffle cuit (morceau méconnaissable, peut-être du foie ?), simplement assaisonné de piment et d’un peu de citron. Un délice !
Au moment de partir, on remarque qu’un drone survole la zone. Apparemment la famille du défunt, de classe aisée, a mis les moyens : il y a une équipe chargée d’immortaliser l’événement par une vidéo !
Nous continuons notre visite, en passant par la campagne pluvieuse, pour découvrir les cimetières troglodytes.
Le Cimetière de Bori Kalimbuang
Ici à Tana Toraja, on n’enterre pas les morts. A la place, les défunts sont placés dans des cercueils en bois richement décorés puis déposés dans des cavités creusées à flanc de montagne ou dans des blocs rocheux. Le Cimetière de Bori, situé près du village de Sesean, à 5 kilomètres de Rantepao, permet de découvrir ces cavités. Plusieurs dizaines de monolithes se dressent à l’entrée du site :
Un peu plus loin, nous trouvons d’impressionnants blocs rocheux mortuaires : d’immenses roches de plusieurs mètres de diamètre où des cavités ont été creusées pour accueillir des cercueils. Certaines sont ouvertes et laissent apparaître des os…
Le plus troublant reste les tombes des bébés : leurs dépouilles sont déposées dans des cavités creusées dans de grands arbres, obturées par une porte en fibres de palme. En continuant sa croissance, l’arbre va « absorber » le bébé, qui va ainsi continuer à grandir et s’élever vers le ciel… Un peu triste mais terriblement poétique.
Un peu plus loin, Ferdi nous montre la « 200 buffalo horns house » : une maison toraja arborant les cornes de quelques 200 têtes de buffles sacrifiées pour l’enterrement d’un membre de leur famille. Sacré record !
La Grotte de Lombok
La visite de la Grotte de Lombok (ou Cimetière de Erong Lombok Parinding) est intéressante pour voir de plus près les « Erongs« , les cercueils traditionnels en bois.
Le site existerait depuis 700 ans et avec le temps, certains cercueils qui étaient suspendus sur les parois de la grotte, en hauteur, sont tombés de leurs cavités rocheuses. Le sol est jonché de cercueils éventrés, de morceaux de bois fossilisés, d’ossements humains verdâtres, attaqués par la mousse et l’humidité.
Attention, le chemin en escalier est glissant !!
Cette journée de visite guidée en compagnie de Ferdi touche à sa fin et il est temps pour nous de regagner notre chambre.
Infos pratiques :
- Tarif de notre guide à la journée : 500 000 roupies/jour (soit 30€)
- Offrande pour la cérémonie funéraire : environ 150 000 roupies pour des cigarettes (soit 9€)
- Droit d’entrée au village Palawa : 30 000 roupies/pers (soit 1,8€/pers)
- Droit d’entrée au cimetière de Bori Kalimbuang, près du village de Sesean : 30 000 roupies/pers (soit 1,8€/pers)
- Droit d’entrée dans la grotte de Lombok : 30 000 roupies/pers (soit 1,8€/pers)
Notre virée en moto dans le Pays Toraja
Pour cette deuxième journée, nous louons un deux-roues pour partir en exploration « libre », non guidée. Malheureusement, la météo est très mauvaise et nous ferons des pauses fréquentes pour nous abriter de la pluie.
Il faut avoir l’œil pour ne pas louper les station services : ce sont des mini-stands avec des bouteilles en verre remplies d’essence, placées sur un étal au bord de la route.Nous passons à côté de magnifiques rizières
Et d’une église avec la croix catholique fusionnée avec une maison tongkonan !
Le Marché aux Buffles de Bolu
Notre première étape est le Grand Marché de Bolu qui se tient deux fois par semaine : célèbre pour son marché aux buffles, qui seront utilisés pour les sacrifices de la cérémonie mortuaire. Nous garons nos scooters à proximité du marché et commençons à marcher vers le lieu indiqué sur Maps.Me. Rapidement une personne nous accoste et nous demande de la suivre pour payer un droit d’entrée… Hum… Pas d’uniforme, pas de badge officiel, pas de panneaux ni de pancartes, pas de barrières… Et puis ce serait bien la première fois qu’on ait à payer pour visiter un marché à ciel ouvert ! Flairant l’arnaque à plein nez, nous nous défilons en prétextant qu’il est l’heure de déjeuner et que nous reviendrons quelques heures plus tard. (Au final, en se renseignant plus tard sur Internet, personne ne mentionne un quelconque paiement de droit d’entrée au Marché de Bolu. On est donc quasiment sûr que c’était une arnaque). On s’éloigne un peu, puis on bifurque un peu plus loin, direction la place centrale des buffles. Nous traversons un premier marché aux épices, riche en couleurs et odeurs. Un peu plus loin, nous passons à côté d’un groupe bruyant. Attirés par l’activité effervescente, nous jetons un œil : au milieu d’un cercle de badauds curieux, plusieurs hommes sont assis en position du « squat asiatique », un coq entre les mains. Certains excitent les bestiaux avec un face-à-face, mais en tenant fermement leurs coqs : les cous se tendent, les plumes s’hérissent, les gallinacés sont prêts à en découdre !
Au détour d’une ruelle, nous traversons ce qui semble être le marché aux cochons : il y a des centaines de cochons, bien gras.La plupart sont déjà solidement saucissonnés sur des bambous, prêts pour l’expédition.
Certains sont déjà en train d’être chargés à l’arrière d’un scooter :Et enfin : BINGO !! Nous débouchons en plein cœur de la place aux buffles du Grand Marché de Bolu ! Le lieu est impressionnant. Il y a des centaines de bêtes, disposées dans un enclos circulaire à ciel ouvert. Elles sont attachées par le museau à un réseau aérien de cordes, semblable à une toile d’araignée géante.
De cette manière, l’animal ne peut ni se coucher, ni s’asseoir, et sa tête est maintenue en position relevée, ce qui permet de muscler son cou et de faire grimper le prix de vente de l’animal. Le spectacle est un peu triste à voir…
Nous apercevons des buffles qui font partie des plus prisés : des buffles à la tête blanche (à défaut d’être entièrement albinos) et d’autres aux yeux bleus.
En repartant, nous arrivons un peu plus loin sur un marché de fruits et légumes couvert par des toiles de bâches colorées.
On y découvre quelques étals de poissons séchés :
Les Falaises de Lemo
Situé à environ 15 km au sud de Rantepao, le site de Lemo permet de contempler des falaises mortuaires. De la même manière qu’au cimetière de Bori, les sépultures sont entreposées dans la roche, à l’intérieur de cavités creusées à même la falaise.
A l’entrée du site, on découvre d’étranges statues qui montent la garde. Ce sont les « tau-tau« , des effigies des défunts sculptées en bois.
Pour avoir le droit d’exposer son Tau-Tau, il faut sacrifier plus d’une vingtaines de buffles ! C’est donc un privilège réservé aux plus riches.
Le lieu est tranquille et paisible. Nous traversons les rizières inondées en passant par un chemin en pierre.
La Grotte de Londa
La grotte de Londa (également appelée « Cimetière suspendu ») est logée dans une forêt. Après avoir payé les frais d’entrée, nous marchons quelques centaines de mètres avant d’arriver au pied d’une grotte.Les tau-tau gardent de nouveau l’entrée du site :
La grotte est très étroite, et nous nous faufilons avec difficulté à travers certains passages sinueux qui serpentent dans la roche. Le chemin fait 1 kilomètre de long et au dessus de nous, des dizaines et des dizaines de cercueils sont suspendus. Ils sont répartis par zones, suivant la caste sociale du défunt. Certains passages sont complément dans le noir. Nos frontales sont utiles !
En explorant la sombre grotte, nous tombons parfois sur des murs de cercueils !A l’entrée, un panneau indique qu’il est absolument interdit de déplacer ou de prendre des ossements – quelle idée !
Le Village de Kete Kesu
Classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, ce village traditionnel est très paisible. Nous prenons notre temps pour admirer les magnifiques Tongkonans.En explorant à l’arrière du village, nous découvrons un impressionnant cimetière de cercueils en bois suspendus à flanc de montagne.
Certains « Erongs » sont magnifiquesLa météo s’est fortement dégradée et nous ne pourrons pas continuer notre route pour visiter le site de Batutumonga – réputé pour ses beaux paysages de rizières.
Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons à un village et profitons d’une accalmie pour faire voler le drone.
Des enfants curieux s’approchent, et nous passons encore un superbe moment avec eux ! En repartant sur notre scooter, les enfants courent derrière nous en rigolant…
Infos pratiques :
- Location moto : 100 000 roupies/jour (soit 6€)
- Droit d’entrée aux falaises de Lemo : 20 000 roupies/pers (soit 1,2€/pers)
- Droit d’entrée à la grotte de Londa : 30 000 roupies/pers (soit 1,8€/pers)
- Droit d’entrée au village de Kete Kesu : 30 000 roupies/pers (soit 1,8€/pers)
Quelques spécialités culinaires
Soto Ayam : une soupe traditionnelle à base de viande et de légumes avec des « empings », de fines chips croustillantes à base de fécule de pomme de terre, ou de farine de belinfo (Gnetum gnemon)
Pa’Piong Manuk, un plat traditionnel de Toraja à base de riz noir et de poulet cuit pendant plusieurs heures dans du bambou, avec de la noix de coco et de jeunes pousses de banane
Au Café Aras, nous avons goûté au Pantollo’ Babi Pamarasan et Pantollo’ Bale Pamarasan : du porc (babi)/poisson (bale) avec une sauce noire traditionnelle et servi avec du riz blanc.Un Babi Panggang Siao Bak (restaurant Raja babi Waroenk) : de la couenne de porc croustillante. Ce plat existe aussi dans d’autres cultures asiatiques, William en raffole ! (Claire un peu moins)
Pour le dessert, nous nous rendons chez Mama Kiki pour goûter leur fameux « Es Teler« , un dessert typiquement indonésien à base de lait de coco, de fruits frais, de poudre de noix de coco et de croustillantes cacahuètes enrobées de sucre. C’est tellement bon qu’on en a recommandé immédiatement un autre !
Où loger à Rantepao ?
Nous avons passé notre première nuit à l’hôtel Pias Poppies pour 220 000 roupies/nuit (environ 13€). Le dîner à l’hôtel est plutôt bon, on y a goûté un plat traditionnel de Toraja à base de poulet cuit dans du bambou (Pa’Piong Manuk).
Pour notre deuxième nuit, nous étions au Wisma Wonton pour 200 000 roupies/nuit (environ 12€) : petit-déjeuner inclus, wifi uniquement dans la salle du petit-déjeuner. Il fallait demander qu’on nous mette l’eau chaude avant de prendre notre douche !
Bilan ?
Pour une première étape en Indonésie, nous sommes sous le charme ! La culture Toraja est incroyablement riche et déroutante ! Nous repartons avec pleins de beaux souvenirs dans la tête. Nous commençons fort notre périple en Indonésie car nous ajoutons ce séjour dans le Tana Toraja dans notre Carte Interactive des Coups de Cœur !
On a aimé :
- les magnifiques maisons traditionnelles tongkonans
- les rituels funéraires du peuple toraja, uniques au monde !!!
- les cimetières / monolithes / cercueils de pierre / etc.
- le marché aux buffles de Bolu
- la gentillesse des locaux, qui nous ont accueillis avec le sourire et partagé avec nous leur repas
- les enfants souriants et espiègles avec qui nous avons passé de précieux moments
On a moins aimé :
- la météo pluvieuse
On aurait aimé :
- rester plus longtemps ! Au final, entre la mini-mésaventure (fausse alerte) de punaises de lit et la météo maussade, sur les quatre jours que nous avons passés sur place, seulement deux ont été dédiés à la découverte de Tana Toraja. Ce qui est bien trop peu !
- pouvoir contempler les rizières du site de Batutumonga
Prochaine destination :
Nous quittons le Tana Toraja en direction du Nord pour rejoindre Tentena. Ce sera l’occasion pour nous de faire une pause (après avoir enchaîné plusieurs journées dans les transports) et de nous reposer au bord d’un lac.