24 mars 2018
Luang Namtha est une ville de 30 000 habitants dans le nord-ouest du Laos dont le principal intérêt est de permettre des excursions dans la jungle pour partir à la rencontre des minorités ethniques, comme le peuple de Lanten. Parfait pour nos petites grenouilles en quête d’aventures !
Nous passons la journée dans le bus pour parcourir les quelques 230 kilomètres qui séparent Nong Khiaw de Luang Namtha. Après 6h30 de route, nous arrivons enfin !
Luang Namtha, point de départ pour les treks dans la jungle
A partir de Luang Namtha, il est possible de faire un trek dans le Parc national de Nam Ha, un espace naturel de forêts et de montagnes d’une grande richesse, mais soumis à la pression démographique croissante des villages ethniques qui y vivent et des villes alentours. Mais il existe depuis 1999 sur cette zone un Projet Ecotourisme qui permet d’assurer que les tours opérateurs et les villages travaillent main dans la main dans une optique durable. Les villages apprennent ainsi petit à petit à tirer les bénéfices de l’écotourisme. Pour limiter l’impact sur communautés locales et l’environnement, les tours sont organisés en petits groupes, et chaque agence a ses propres itinéraires.
Les agences de la ville proposent donc tous des « ecotreks » et les prestations varient à peu de choses près. Il faut comparer les offres. Les prix sont dégressifs en fonction du nombre de personnes et pour faciliter la vie des touristes, les prochains tours sont listés sur des tableaux devant chaque agence, avec le nombre de personnes déjà confirmées. Pratique si on veut se joindre à un groupe pour réduire les coûts !
Après avoir fait le tour des agences, nous optons pour « Ethnic Travel Laos« , qui proposait un tour « 2 jours de trek + 1 jour kayak » avec une nuit dans la jungle et une nuit dans un village. De plus, déjà deux personnes étaient déjà enregistrées, ce qui nous permettait d’avoir un bon tarif.
Nous partons le lendemain matin, ce qui nous laisse le temps d’aller visiter le Marché de Nuit (Nightmarket) et d’acheter de quoi grignoter dans les stands de street-food.
Jour 1 : trek et nuit dans la jungle
Le lendemain matin, surprise : nous ne sommes que tous les deux à partir avec le guide, les deux autres membres du groupe s’étant désistés à la dernière minute.
Notre guide s’approche de nous, et entame la conversation avec William :
– Le guide : « Hello ! What’s your name? »
– William : « I’m William, and this is Claire… And you? »
– Le Guide : « Mee »
– William : « Yes I’m asking you, what’s your name? »
– Le guide : « I told you ! It’s Mee ! »
Ça nous a rappelé la scène hilarante du film Rush Hour 3 où Chris Tucker engage un dialogue de sourd avec Mi et Yu
Après les présentations avec Mee, nous commençons par nous diriger en tuk-tuk vers le marché pour y acheter quelques victuailles pour le trek.
Intrigués par d’étranges morceaux de peau, Mee nous explique que c’est de la peau de buffle à faire noircir au feu : parfait pour accompagner le fameux whisky local « laolao ».
Mee nous prévient : d’habitude les touristes n’aiment pas la peau de buffle en raison du goût assez fort. Mais nous sommes curieux. Ni une ni deux, Mee achète quelques morceaux de peau de buffle et une bouteille de laolao. On aura droit à une séance de dégustation d’alcool à 60° à 9h30 du matin…
Ça réchauffe l’œsophage ! (Contrairement à celui que nous avions goûté précédemment à Muang Ngoy, qui était absolument dégueulasse, celui-là est bien meilleur, plus doux à la déglutition !).
On nous emmène ensuite au point de départ de la randonnée, situé quelques kilomètres après le village de Chaleungsouk sur la route 3. Rapidement, nous sommes rejoint par un guide local ne parlant pas anglais, mais qui ne restera avec nous que la première matinée, étant donné que nous sommes en petit comité.
Au moment du lunch, Mee sort ce qu’il a acheté au marché : riz gluant, salades de champignons et bambou, pâté de poissons et gratons. Dans la jungle, pas de couverts : on mange avec les doigts en attrapant un peu de nourriture avec du riz gluant. Bon, on va quand même essayer de se laver les mains…
Mee installe un petit feu pour y faire griller une grosse cigale qu’il a trouvée en route. On se partagera la bestiole: c’est plutôt bon, avec un léger goût de noisette grillée !
La marche se fait dans un premier temps dans la forêt, avant de rapidement se transformer en jungle où même notre guide Mee semble avoir quelques difficultés à avancer, malgré ses coups de machettes pour éclaircir le chemin.
Dans l’après-midi, nous passons par le joli village de Nalan Neua où on s’arrête pour acheter un peu de riz à une villageoise. Cette dernière nous le prépare en enlevant les impuretés et les grains cassés en les faisant sauter à l’aide d’un grand plateau, au grand bonheur des animaux de la basse-cour qui se régalent des chutes de grain par terre.
Ce soir-là, nous montons notre propre camp en bambou. Le temps est maussade et la pluie menace de s’abattre sur nous, alors nous alignons avec soin les feuilles de bananier qui nous serviront de toit au dessus de nos têtes. Nous dormirons à même le sol dans des sacs de couchage sur des feuilles de bananier.
Pendant que Mee prépare le repas, nous partons à la douche dans une petite rivière : on se lave comme on peut à l’aide d’une coupe de bambou. L’eau est fraîche !
Mee fait de la « cuisine de la jungle » : il se sert de tiges de bambou comme récipient pour y faire cuire les aliments. Il nous fabrique également deux tasses en bambou et un petit verre à shot, ainsi que des cuillères à soupe en feuilles de bananier.
Mee nous prépare une délicieuse soupe accompagnée de pains de riz. Le riz est cuit dans des petits paquets faits de feuilles de bananier, insérés dans le tube du bambou. Le riz gluant cuit de cette manière est divin !!!
Pour agrémenter le tout, Mee attrapera encore un énorme criquet qui finira dans nos estomacs. Nous terminons la soirée en buvant des shots de laolao et en grignotant des morceaux de peau de buffle carbonisés. Nous échangeons sur nos modes de vie respectifs. Il y a un monde ! Nous sommes touchés quand Mee nous demande : « Et chez vous, elle est comment la jungle de Paris ?« .
Jour 2 : deuxième jour de marche et… embuscade au laolao
Au réveil, William découvrira une étrange croûte de sang séché et une petite plaie qui saigne un peu sur son bras. Mais on n’a pas le temps de rêvasser, le petit-déjeuner est prêt et la pluie est arrivée : il faut partir avant que le temps ne se dégrade encore plus.
Après un ou deux shots de laolao pour se donner un peu d’énergie de bon matin, nous nous mettons en route sous la pluie.
Manque de pot pour nous, le trek de la matinée passe par des zones très pentues à monter et à descendre. Avec la couche de feuilles mouillées et le sol boueux, le terrain devient un véritable casse-pipe. Mee ne semble pas perturbé et continue à marcher comme si de rien était, mais nous nous finissons plusieurs fois sur les fesses !
Lors d’un break à côté d’un petit cours d’eau on voit d’étranges vers noirs très fins de quelques centimètres de long qui bougent rapidement, en tâtonnant devant eux comme s’ils étaient aveugles. Nous en montrons un à Mee. Verdict ? « C’est des sangsues, elles sortent de terre avec la pluie… Il ne faut pas rester immobile ». Ah ! Ben on comprend mieux la tâche de sang qui ne coagulait pas sur le bras de William : il s’était fait pompé le bras dans la nuit par une vilaine sangsue !
Et encore heureux pour nous : nous n’avons vu que quelques sangsues. Mais il paraît qu’à la saison des pluies cela peut devenir vraiment problématique. Entre les moustiques, les sangsues et la tique que Claire a trouvée la veille plantée dans sa cheville, décidemment, la jungle regorge de bêtes sanguinaires !
Nous marquons une pause à midi, où Mee nous fait encore profiter de ses talents de cuisiner : il nous prépare une « soupe de la jungle » avec de jeunes pousses de rotin, du bambou frais, des fleurs de bananier et quelques feuilles aromatiques trouvées sur la route, le tout cuit dans un tube de bambou fraîchement découpé. C’est un régal !
Allez on continue la route. En discutant avec Mee, William l’informe qu’il joue de la musique et Mee décide de lui fabriquer une « Jungle Flute » !!! Avec un tube de bambou creux et une anche simple confectionnée avec un cœur de rotin : astucieux !
William et Mee feront ainsi un super duo pour la « jungle dance » de Mee. On est paré pour « Asia’s got talent » ! (cf. la vidéo en fin d’article)
Décidemment, on peut tout faire avec du bambou au Laos : cuisiner, construire un camp, prendre une douche, faire de la musique…
Sur une souche, Mee aperçoit de grosses fourmis oranges « Allez-y ! Goûtez, elles sont bonnes !« . Les fourmis en question ont l’air assez belliqueuses, l’abdomen relevé vers nous et zigzagant à toute vitesse. Mais on en prend une un peu isolée et… hop, dans l’bec ! C’est vrai que ces fourmis arboricoles ont un bon petit goût citronné !
Mee trouve à ce moment-là un oiseau mort recouvert de fourmis. « Je vais le garder pour le faire griller ce soir« . Heuuu… Comment dire ? C’est qu’on ne sait pas de quoi il est mort l’oiseau ! Mee chassera les fourmis avant d’enfourner le cadavre d’oiseau dans sa poche en proclamant : »Non mais j’ai entendu des chasseurs du village passer à côté de nous ce matin. Ils ont sûrement dû attraper l’oiseau, le déplumer et l’ont oublié ici sur ce tronc d’arbre« .
Bon, effectivement, on a vu plus tard quelques mètres plus loin l’endroit où l’oiseau avait été déplumé ce qui nous a (un peu) rassuré. Décidemment, on mange n’importe quoi dans la jungle !
Nous nous rapprochons de la civilisation : nous croisons des jeunes filles du village en train de ramasser des pousses de bambou dans la forêt. En effet, la pousse du bambou a été stimulée par les dernières pluies. Il peut alors croître de plusieurs centimètres par jour !
En milieu d’après-midi nous arrivons au village de Lanten, où nous logerons chez l’habitant. Les habitations sont assez rudimentaires : leur logement est constitué d’une grande pièce principale servant à la fois de salle à manger et de chambre et d’une cuisine. Des toilettes turques sont à l’extérieur. Pour la douche, nous sommes partis à la rivière. On n’avait pas trop envie de se laver dans la fontaine sur une des places du village ! Mais nous avions tout de même une chambre à nous, avec un matelas au sol et une moustiquaire, dans la maison qu’ils étaient en train de construire à côté.
Le village en lui-même n’a pas grand intérêt. Il est beaucoup moins beau que ceux qu’on avait vus la veille ou ceux de Muang Ngoy. Les maisons en piloti et en bois sont remplacées par des maisons de plain-pied en beton, beaucoup moins typiques.
Mais très vite, on est encerclé par une ribambelle de gamins. Les enfants sont fantastiques et nous passons un bon moment avec eux. Ils sont intrigués par nos bâtons de marche, William leur apprend à jongler avec. Ils sont également impressionnés par la flûte en bambou. Finalement, nous donnerons aux enfants nos bâtons et notre flûte, et ils repartiront avec un grand sourire aux lèvres. Quelques heures plus tard, nous verrons un groupe d’enfants essayer de recréer une deuxième flûte avec un morceau de bambou !!!
Le soir, nous dînerons avec Mee et Lem, le jeune fermier de 28 ans qui nous accueille dans sa modeste demeure en compagnie de sa femme et de ses enfants. La maison est remplie d’enfants : c’est une des rares familles à disposer d’une télévision et la porte est ouverte pour ceux qui veulent en profiter. Le repas se fera sur des petits tabourets en plastique autour d’une table basse ronde. C’est un véritable festin ! Et le cadavre d’oiseau à moitié dévoré par les fourmis se révèlera délicieux une fois passé au grill ! (On vous rassure, on n’a pas été malades !)
Le Laolao coule une nouvelle fois à flot, et nous achèterons au total trois bouteilles d’alcool de 500mL qu’on fera infuser dans un mélange à base de plantes, a priori remède médicinal pour les problèmes de dos.
Nous buvons à la manière des locaux, c’est-à-dire « tu bois ce que je bois, et je bois ce que tu bois »… Nous enchaînons les shots d’alcool en simultané.
Au final, la soirée finira en hécatombe… On passera les détails mais il y a de sérieuses pertes dans les troupes. Mais personne n’aura mal au dos le lendemain !
Jour 3 : la journée en kayak de la mort qui tue la vie
Le réveil est plus difficile pour certains que d’autres : Mee notre guide est au fond du gouffre, et nous ne verrons pas Lem le fermier, qui gémit encore au fond de son lit… William s’est remis d’aplomb après une nuit de sommeil réparatrice, et Claire, qui connaît ses limites et a su esquiver quelques shots, est (presque) fraîche comme la rosée du matin.
En voyant William debout, la femme de Lem dira qu’il est un « good laolao » !
Nous partons vers 10h00 pour le départ du kayak. Comme nous sommes en saison sèche, nous ne pouvons pas faire du kayak sur la jolie rivière Nam Ha qui traverse la réserve naturelle. A la place nous voguerons sur une distance de 14 kilomètres sur la rivière Nam Tha, en périphérie du parc. C’est dommage mais on s’en contentera !
Très vite, Mee nous demande s’il peut s’accrocher à notre kayak pour faire une petite sieste réparatrice. La « sieste » durera en fait tout le trajet !
Le début n’est vraiment pas terrible, la rivière est polluée par les déchets en tout genre. Mais cela s’améliore par la suite. On passe par des petits rapides plus ou moins sportifs qui nous donnent des petits shots d’adrénaline. C’est rigolo ! Le reste du parcours se fait sur une eau calme, où on peut profiter du paysage tout en pagayant tranquillement.
Nous finissons notre balade aquatique au village de Sopsinh. Une camionette nous y attend pour nous ramener à Luang Namtha vers 17h00.
Nous avons le temps de prendre une douche à l’agence et de manger un bout au nightmarket avant de prendre notre bus de nuit à 19h30 pour Luang Prabang.
Infos pratiques pour Luang Namtha
Bus Nong-Kiaw à Luang Namtha : 100 000 kip/p (10€)
Tuk-tuk pour rejoindre le centre depuis la gare de Luang Namtha (9km) : 20 000 kip/p (2€)
Tarif pour 2 jours de trek + 1 jour kayak avec Ethnic Travel Laos : 750 000 kip/p tout compris, soit 75 €.
Nous avons logé à Thoulasith guesthouse situé dans la rue principale de Luang Namtha, à proximité des agences et du nightmarket pour 80 000/nuit (soit 8€).
Bilan ?
Cette expérience dans la jungle du Laos était TOP !!! Malgré la soirée qui a dérapé au laolao, on a vraiment kiffé construire notre camp et dormir dans la jungle, cuisiner avec du bambou et manger des trucs plus ou moins chelous trouvés dans la forêt. Ça aura été une expérience encore différente que celles que nous avons pu vivre au Pantanal et en Amazonie.
On aura également apprécié passer du temps avec les locaux au village, afin de voir comment ils vivent. Il y a tout un monde entre ici et notre mode de vie à Paris !
Mee aura été un guide formidable, très malicieux et plein d’entrain, même si le troisième jour il n’aura pas été au summum de ses capacités. Moralité : l’alcool c’est mal, m’voyez !
Pour toutes ces raisons, Luang Namtha mérite de rejoindre notre liste des destinations favorites. Nous l’ajoutons donc à notre Carte des Coups de coeur.
2 commentaires sur « (J+221) Laos – Luang Namtha et le trek dans la jungle »