14 mars 2018
Deux superbes semaines de vadrouille avec nos amis Marielle & Nicolas s’achèvent, il est malheureusement temps de nous séparer.
Après avoir passé quelques jours ensemble à Sa Pa, ils reprennent un bus vers Hanoï où leur vol retour les attend. Pour nous, le voyage continue et nous prévoyons de poursuivre notre route vers l’Ouest du Vietnam : nous nous rendons à Diện Biên Phủ (ou DBP pour les intimes) près de la frontière laotienne.
Pour franchir les quelques 270 km qui séparent Sa Pa de Diện Biên Phủ, notre bus mettra presque dix heures !!!!! C’est limite si on n’aurait pas été plus rapide en vélo…
Nous prenons un bus de nuit horrible, avec des couchettes non compartimentées (bonjour la promiscuité !) et une forte odeur de pieds… Et on suspecte très fortement des punaises de lit de nous avoir piqué en route…
Après ce long voyage éreintant, nous mettons enfin le pied à DBP.
L’histoire sanglante de Diện Biên Phủ
Diện Biên Phủ, avec ses 125 000 habitants, est logée dans le creux d’une cuvette géologique et entourée de montagnes à la végétation luxuriante.
DBP est également une ville chargée d’histoire. C’est ici où la France s’est prise une déculottée monumentale en 1954, une défaite contre les Viêt Minh qui mettra fin à la guerre de décolonisation qu’a entamée le Vietnam en 1946, juste au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, sous l’impulsion de son mentor communiste Hô-Chi-Minh.
Quelques années plus tôt, en 1953 plus précisément, la France commence à larguer des bataillons de parachutistes pour prendre le contrôle de la vallée, située en plein cœur de la jungle vietnamienne. Ce qui les intéressent, c’est la position stratégique de DBP par rapport à ses pays voisins, le Laos et la Chine, mais aussi son aérodrome abandonné.
En effet, durant la Seconde Guerre Mondiale les japonais ont construit un aérodrome à cet endroit-là et les français veulent en faire une base logistique militaire pour lutter contre la progression du communisme dans le Nord-ouest vietnamien.
La zone est peu protégée par les vietnamiens et le contrôle de la zone par les français devait se faire relativement facilement.
Les français commencent alors à consolider la zone en créant une cinquantaine de positions fortifiées tout autour de l’aérodrome.
L’état-major français pensait être protégé des attaques vietnamiennes par plusieurs centaines de kilomètres de jungle dense. Mais ça, c’était sans compter la détermination et l’ingéniosité des combattants vietnamiens, qui ont tracé des pistes à travers presque 600 kilomètres de végétation, permettant ainsi l’acheminement d’armes lourdes en pièces détachées sur le dos de centaines de milliers d’hommes ou en utilisant des vélos trafiqués pour pouvoir porter des charges lourdes.
En 1954, les vietnamiens sortent des grottes qui leur servaient de cachette et lancent les hostilités en pilonnant par surprise et avec une grande violence la base militaire française de Diện Biên Phủ.
À cause de la mousson et de la perte de terrains, les français ne recevront que peu d’appui aérien : ils sont presque coupés du monde et tiendront ainsi deux mois de combats avec de maigres ravitaillements.
Au final, il sera estimé 20 000 morts côté vietnamien et 3 000 morts côté français.
Suite à cette bataille et à la capitulation des français, presque 12 000 soldats seront capturés vivants et amenés dans des camps situés près de la frontière chinoise. Contraints à une marche forcée à travers 700 km de jungle, blessés et en sous-nutrition, seulement 3 300 soldats survivront à cette marche et seront rendus plus tard à la France, dans un état lamentable.
Les vestiges de la bataille
Nous partons visiter les vestiges de la terrible bataille de DBP sur une journée de marche.
Nous commençons par le Monument de la Victoire, une statue de 13 mètres de hauteur située au sommet de la colline D1 qui domine la ville.
La colline A1 (Elaine) est la colline la plus fortifiée par les français et le théâtre des combats les plus acharnés. Pour anéantir l’ennemi, les vietnamiens ont décidé de creuser sous les pieds des français pour y placer une charge de presque une tonne de TNT. Les vietnamiens se tromperont d’endroit et font exploser la charge à quelques mètres seulement du centre de commandement français. Mais la déflagration est telle que les français capituleront en sortant de leur bunker, les oreilles en sang.
Le Cimetière National des Soldats Vietnamiens est un impressionnant site de tombes anonymes alignées, des soldats sans nom tombés pour la patrie durant la bataille de DBP. Ce cimetière est situé juste en face du Musée de la Guerre.
Le Musée de la Guerre, ou Musée de la Victoire Historique, a été construit en 1984 à la commémoration des trente ans de la victoire des vietnamiens sur les français. Ce bâtiment circulaire retrace l’histoire de la bataille, en commençant par une explication sur les années de colonisation française. Les traductions en français et en anglais sont très (trop?) patriotiques, mais cela nous a permis de comprendre quelques aspects de cette bataille.
On ne pourra pas dire que les vietnamiens n’étaient pas ingénieux : ils avaient déjà adopté le principe de MUL (Marche Ultra-Légère) avec un excellent exemple de double usage avec ce beau bâton de marche/pipe à eau (comme celle que nous avons essayé à Ninh-Binh).
Un peu plus éloigné de la ville, nous visitons le Mémorial Français : une œuvre réalisée par un ancien combattant côté français. Pas facile de trouver le lieu ! Il était caché derrière un pâté de maison à l’écart de la route principale…
Un peu plus loin, nous arrivons au bunker du général français De Castries, qui a été sérieusement endommagé lors des conflits. Aujourd’hui reconstitué, le bunker était au cœur du champ de bataille. Le bunker était défendu par plusieurs lignes de fil de fer barbelé et quatre tanks, et a donné du fil à retordre aux Viet Minh qui ont mis 55 jours et nuits à le prendre ! Mesurant 20 mètres de long sur 8 mètres de large, il était constitué de quatre compartiments, servant à la fois de bureaux pour les officiers et de lieu de vie. Le bunker était relié au blockhaus de Hill A1 par des tranchées couvertes faites en sac de sable, de planches de bois et de taules et a accueilli des personnes haut placées comme le Premier ministre français Joseph Laniel, le Président américain Dwight Eisenhower, le Premier ministre anglais Winston Churchill ou des journalistes.
Une bataille qui signe la fin de la guerre
Au lendemain de la bataille de DBP, les vietnamiens indépendantistes, à tendance communistes, sortent victorieux de ce qu’on appellera encore aujourd’hui la (Première) Guerre Indochine. La France est perdante et négociera les accords de Genève en 1954, ce qui scindera le Vietnam en deux suivant la ligne de front, avec au nord le partie Communiste et au sud le partie Démocratique.
Et après ?
Très vite, un nouveau conflit naît en 1955: c’est la Guerre du Vietnam (ou Deuxième Guerre d’Indochine) qui opposera le Vietnam du Nord poussé par le bloc communiste, contre le Vietnam du sud aidé par les États-Unis. Le résultat après vingt longues années de combats : le Nord l’emportera sur le Sud en 1975 et le Vietnam est unifié sous la bannière communiste, tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Que manger à Diện Biên Phủ ?
Nous avons goûté à Diện Biên Phủ une excellente soupe avec des pousses de bambou, à manger avec des vermicelles, du canard et des herbes fraîches :
Âmes sensibles s’abstenir : nous avons vu dans le marché de la ville des chiens et des chats en cage à côté des poules et autres animaux de basse-cour. A priori, ils sont destinés à finir dans les assiettes… On a en effet vu quelques restaurants affichant « Chó » (chien en vietnamien) sur leurs devantures. Certain villes du Nord du Vietnam, proches de la Chine, partagent les mœurs culinaires de leur pays voisin.
Bilan ?
Si nous n’avions pas prévu de passer dans les parages pour rejoindre le Laos, nous aurions fait l’impasse sur Diện Biên Phủ, car au final la ville ne présente que peu d’intérêts et ne justifie pas un déplacement dédié, à moins d’être un féru inconditionnel d’histoire militaire. Sans guide il est très difficile de comprendre et retracer l’histoire de la bataille (nous avons fait beaucoup de recherches sur Internet !).
Mais tant qu’à y être, on en a profité pour mieux comprendre ce pan de l’histoire peu enseigné sur les bancs de l’école.
l’ancien combattant dont tu parles est un légionnaire .
la nostalgie a disparu avec votre génération …
A +
DD
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C’est vrai qu’on a pas précisé que cet homme s’est débattu pour construire ce mémorial, à ses frais, pour honorer la mémoire de tous ces français qui se sont sacrifiés pour la France au Vietnam. La guerre d’Indochine est quasiment absente des programmes scolaires, et pourtant… il serait bon d’éviter qu’elle tombe dans l’oubli !
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